Actus Jardin

Creer une mare au jardin : un havre pour la biodiversité et les astuces pour aménager un écosystème équilibré

Creer une mare au jardin : un havre pour la biodiversité et les astuces pour aménager un écosystème équilibré

Vous avez déjà rêvé d’entendre le coassement des grenouilles au crépuscule, de voir des libellules danser au-dessus de l’eau et d’observer tout un petit monde s’installer dans votre jardin ? Créer une mare, c’est un peu comme ouvrir un hôtel 4 étoiles pour la biodiversité… sans room service, mais avec beaucoup de vie. Et la bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas réservé aux grands terrains ni aux pros.

Dans cet article, on va voir ensemble comment créer une mare esthétique, utile pour la faune, et surtout équilibrée, sans finir avec une soupe verte d’algues en plein été.

Pourquoi une mare change tout pour votre jardin

Une mare, même petite, devient très vite un point central du jardin. C’est un écosystème à part entière, un réservoir de vie qui profite à tout le monde : animaux, plantes… et jardinier.

Installer une mare permet :

  • d’attirer les auxiliaires du jardin : grenouilles, crapauds, tritons, libellules, notonectes… autant de prédateurs naturels des limaces, moustiques et pucerons ;
  • de créer un microclimat : l’eau tamponne les variations de température et d’humidité, bénéfique pour les plantes alentour ;
  • d’offrir un point d’eau aux oiseaux et petits mammifères : hérissons, mésanges, rouge-gorges, abeilles et papillons viennent boire ;
  • d’enrichir la vie du sol : les insectes aquatiques et leurs larves participent au cycle de la matière organique ;
  • d’apporter une vraie touche de poésie : reflets du ciel, bruissement des roseaux, vie discrète mais permanente.

Et contrairement aux idées reçues, une mare bien pensée n’attire pas « plus de moustiques » que ça. Les larves de moustiques sont vite régulées par les prédateurs naturels (libellules, dytiques, têtards…). Le secret, c’est l’équilibre.

Choisir l’emplacement idéal de votre mare

Avant de sortir la pelle, mieux vaut réfléchir à l’endroit le plus adapté. Une mare, ce n’est pas juste un trou rempli d’eau, c’est un écosystème qui a besoin de bonnes conditions pour fonctionner.

Voici quelques critères à prendre en compte :

  • L’ensoleillement : prévoyez un emplacement avec 4 à 6 heures de soleil par jour. Trop de soleil = surchauffe + prolifération d’algues. Trop d’ombre = eau froide et peu de vie aquatique.
  • La distance des arbres : évitez de l’installer juste sous un grand arbre. Les racines peuvent endommager la bâche et la chute de feuilles surcharge l’eau en matière organique, ce qui déséquilibre l’écosystème.
  • Une zone légèrement en contrebas : cela peut permettre de récupérer naturellement une partie des eaux de pluie, sans transformer la mare en bassin de rétention boueux. Attention toutefois aux ruissellements chargés en engrais ou pesticides s’il y a un potager ou un gazon « chimique » au-dessus.
  • L’accessibilité : placez-la là où vous pourrez en profiter au quotidien, depuis une fenêtre, la terrasse ou un coin repos du jardin. Une mare, ça s’observe et ça se vit.
  • La sécurité : en présence d’enfants en bas âge, on ne plaisante pas. Prévoyez des bords en pente douce, une faible profondeur sur les côtés, voire une barrière végétale ou une clôture si nécessaire.

Astuce : avant de creuser, dessinez au sol la forme de votre future mare avec un tuyau d’arrosage ou de la sciure. Marchez autour, imaginez les perspectives, testez plusieurs formes. Autant ajuster avant les coups de bêche.

Définir la bonne taille et la bonne profondeur

On pourrait croire que « plus c’est grand, mieux c’est », mais tout est question d’équilibre et de place disponible. Une petite mare bien pensée vaut mieux qu’un grand bassin mal conçu.

Pour une mare de jardin naturelle :

  • Surface minimale : à partir de 2 à 3 m², la mare peut déjà abriter une belle diversité. Si vous avez 5 à 10 m², c’est encore mieux pour la stabilité thermique.
  • Profondeur maximale : 60 à 80 cm suffisent pour la faune et pour éviter le gel complet en hiver. Inutile de creuser à 1,50 m comme une piscine.
  • Zones de profondeur variées : prévoyez des paliers :
    • 10–20 cm pour les plantes de berge ;
    • 30–40 cm pour les plantes semi-immergées ;
    • 60–80 cm pour la zone la plus profonde, refuge hivernal.

La diversité de profondeurs = la diversité de plantes = la diversité de faune. C’est une règle d’or.

Quel type de mare choisir ? Naturelle, bâche, préformée…

Il existe plusieurs façons de créer une mare. À vous de choisir en fonction de votre budget, de votre sol et de vos envies de bricolage.

  • Mare avec bâche EPDM :
    • Avantages : adaptable à toutes les formes, durable, résiste bien au gel et aux UV, parfaite pour un rendu « naturel ».
    • Inconvénients : demande un peu de soin à la pose, risque de perforation si le sol n’est pas bien préparé.
  • Bassin préformé en PVC ou résine :
    • Avantages : facile à installer, formes prédéfinies (souvent avec des paliers), plus sécurisé mécaniquement.
    • Inconvénients : forme imposée, plus difficile à intégrer de façon très naturelle, tailles limitées.
  • Mare « en dur » (béton, maçonnerie) :
    • Avantages : ultra durable, idéal si vous voulez un bassin ornemental très structuré.
    • Inconvénients : travaux plus lourds, moins adapté à une mare « sauvage », coût plus élevé.
  • Mare dans une cuve recyclée (demi-tonneau, grande bassine) :
    • Avantages : pratique pour les petits jardins ou terrasses, installation rapide.
    • Inconvénients : volume limité, l’eau chauffe plus vite l’été, impact sur l’équilibre.

Pour une mare naturelle au jardin, la bâche EPDM reste souvent le meilleur compromis entre liberté de forme, durabilité et budget.

Étapes de création : du trou à la première goutte d’eau

Passons à la pratique. Voici les grandes étapes pour la création d’une mare avec bâche.

1. Tracer et creuser

  • Tracez la forme au sol (tuyau, corde, chaux de marquage).
  • Commencez par creuser la zone la plus profonde.
  • Façonnez ensuite les paliers (berges, niveau intermédiaire).
  • Veillez à ce que les bords soient légèrement en pente, jamais verticaux. La faune doit pouvoir entrer et sortir facilement.

2. Préparer le fond

  • Retirez soigneusement les pierres tranchantes et racines.
  • Étalez une couche de sable (3 à 5 cm) pour protéger la bâche.
  • Ajoutez éventuellement un feutre géotextile entre le sable et la bâche pour une sécurité maximale.

3. Poser la bâche

  • Choisissez une bâche EPDM de bonne qualité, adaptée aux bassins.
  • Déroulez-la en la laissant dépasser largement sur les bords (au moins 30–40 cm tout autour).
  • Épousez bien les formes, sans tendre exagérément. La bâche doit pouvoir bouger un peu avec l’eau et le sol.

4. Remplir progressivement

  • Commencez à remplir avec de l’eau (idéalement de pluie, sinon eau du robinet qu’on laissera se reposer).
  • Au fur et à mesure, ajustez la bâche dans les creux et sur les paliers.
  • Une fois le niveau atteint, stabilisez les bords : pierres, rondins, végétation…

5. Aménager les berges

  • Créez des zones de sortie douce avec des cailloux, graviers, troncs, pour permettre aux animaux de remonter.
  • Cachez la bâche visible avec des pierres, des mottes de terre, des plantes de berge.

À cette étape, votre mare ressemble peut-être encore un peu à un chantier. Pas de panique : la magie des plantes va vite tout transformer.

Choisir les bonnes plantes pour un écosystème équilibré

Les plantes sont les grandes alliées de votre mare. Elles oxygènent, filtrent, servent d’abri et de support pour la faune, tout en apportant un charme fou. L’idée est de varier les types de plantes et les profondeurs.

On distingue plusieurs catégories :

  • Plantes de berge (zone très humide, 0 à 10 cm d’eau) :
    • Salicaire (Lythrum salicaria),
    • Iris des marais (Iris pseudacorus – à utiliser avec modération car vigoureux),
    • Rubanier, populage des marais, menthe aquatique.
  • Plantes émergées (10 à 30 cm d’eau) :
    • Massette naine (évitez les grandes massettes qui envahissent tout),
    • Prêle des marais,
    • Scirpe, glycérie, joncs.
  • Plantes flottantes :
    • Nénuphars adaptés à la taille du bassin,
    • Petits flottants comme la lentille d’eau (à surveiller, très prolifique),
    • Grenouillettes (Hydrocharis), etc.
  • Plantes oxygénantes (immergées) :
    • Myriophylle, élodée (attention aux espèces invasives, privilégiez les espèces locales),
    • Hippuris, callitriche.

Quelques règles pour ne pas se laisser déborder :

  • Variez les espèces mais restez raisonnable en quantité au départ.
  • Privilégiez les plantes locales adaptées à votre climat et à la faune environnante.
  • Évitez les plantes invasives, même si elles sont jolies en jardinerie.
  • Acceptez une certaine densité végétale : une mare « propre » comme une piscine n’est pas vivante.

L’objectif est simple : laisser les plantes jouer le rôle de filtre naturel, plutôt que de vous reposer sur une pompe ou un filtre artificiel (sauf cas de bassin très petit ou très exposé).

Faut-il installer une pompe ou un filtre ?

Dans une mare réellement naturelle, on peut souvent se passer de pompe et de filtre, tant que :

  • la mare a une taille suffisante pour son environnement,
  • le rapport soleil / ombre est correct,
  • la végétation aquatique est bien installée,
  • il n’y a pas (ou peu) de poissons introduits artificiellement.

Une légère eau verte au printemps n’est pas dramatique. C’est souvent un cycle normal, qui se stabilise quand les plantes repartent pleinement. En revanche :

  • si l’eau devient très trouble,
  • si les mauvaises odeurs apparaissent,
  • si vous avez introduit des poissons (qui produisent beaucoup de déchets),

alors une pompe avec filtre biologique peut être utile. Mais gardez à l’esprit qu’un système naturel bien conçu reste le plus simple à entretenir.

Installer la vie : laisser venir ou donner un coup de pouce ?

Une mare, ça se peuple tout seul. C’est d’ailleurs ce qui fascine le plus. Les premières semaines, l’eau peut paraître un peu vide. Puis, en observant de près, on découvre :

  • des petits escargots d’eau,
  • des larves d’insectes,
  • des dytiques, gerris, notonectes,
  • des grenouilles ou crapauds, parfois spontanément si vous êtes dans une zone favorable.

Quelques principes de base :

  • N’introduisez pas de poissons si votre objectif est la biodiversité amphibienne. Les poissons mangent œufs, têtards et une grande partie des invertébrés.
  • N’allez pas prélever à tout-va dans les mares sauvages. C’est interdit à bien des endroits et néfaste pour ces milieux déjà fragiles.
  • Vous pouvez introduire quelques plantes issues de pépinières spécialisées et laisser faire la nature pour le reste.
  • Si un voisin a une mare équilibrée, un petit échange de plantes (et donc de microfaune) peut accélérer la colonisation, avec parcimonie.

Pour les amphibiens (grenouilles, tritons), ce sont souvent eux qui vous trouvent. À condition qu’ils aient des milieux alentours (haies, prairies, bosquets) pour se réfugier hors de l’eau.

Entretenir la mare sans casser l’équilibre

Bonne nouvelle : une mare naturelle ne demande pas un entretien infernal. Il s’agit surtout de l’accompagner en douceur.

Les gestes essentiels :

  • Limiter l’apport de matières organiques mortes :
    • en automne, retirez une partie des feuilles tombées dans la mare (sans tout nettoyer au millimètre),
    • évitez de tondre juste au bord et de laisser l’herbe coupée tomber dans l’eau.
  • Gérer les plantes trop envahissantes :
    • si une espèce prend toute la place, retirez-en une partie à l’automne,
    • laissez toujours une portion de végétation intacte pour la faune.
  • Surveiller le niveau d’eau :
    • en été, une légère baisse est normale,
    • si la mare est très petite, vous pouvez compléter avec de l’eau de pluie stockée.
  • Éviter les « grands nettoyages de printemps » :
    • ne videz jamais complètement la mare, sauf cas extrême,
    • si vous devez intervenir lourdement, faites-le en plusieurs fois pour laisser le temps à la faune de s’adapter.

Rappelez-vous qu’une mare un peu trouble ou un peu « fouillis » est souvent en meilleure santé qu’une mare trop « nickel ». Dans la nature, rien n’est parfaitement rangé… et pourtant tout fonctionne.

Petites erreurs fréquentes à éviter

Pour réussir votre mare sans vous arracher les cheveux, voici quelques pièges classiques à contourner :

  • Trop de poissons : ils troublent l’eau, mangent une bonne part de la faune utile, et nécessitent filtration et nourrissage. Pour un vrai refuge à biodiversité, mieux vaut s’en passer.
  • Un emplacement plein sud sans ombre : l’eau surchauffe, les algues prolifèrent, l’oxygène chute… et vous passez vos étés à râler.
  • Une profondeur uniforme : sans paliers, peu de diversité de plantes, donc peu de diversité de faune.
  • Trop de nettoyage : en voulant « faire propre », on détruit les refuges et cycles naturels.
  • Plantes invasives : certaines espèces vendues en jardinerie sont de véritables fléaux pour les milieux aquatiques. Renseignez-vous avant d’acheter, préférez les espèces locales.

Intégrer la mare dans le reste du jardin

Une mare, ce n’est pas un élément isolé posé au milieu du gazon. Plus elle est reliée au reste du jardin, plus elle sera riche.

Quelques idées pour l’intégrer harmonieusement :

  • Aménagez une bande de végétation spontanée autour : graminées, fleurs des prés, haies champêtres… Ces zones servent de refuges aux amphibiens, insectes et oiseaux.
  • Créez un petit chemin d’accès discret en pas japonais, rondins ou gravier, pour pouvoir vous approcher sans piétiner constamment les berges.
  • Installez à proximité un banc, une chaise longue, un petit deck pour observer, lire, rêver.
  • Reliez visuellement la mare au jardin par des massifs de vivaces : iris, hostas, fougères, astilbes…
  • Évitez la tondeuse juste au bord : préférez la débroussailleuse ou une tonte plus haute, pour laisser une zone refuge.

Avec le temps, la mare va structurer le jardin. Vous verrez que vos promenades quotidiennes vont naturellement passer par là, ne serait-ce que pour vérifier « qui est là aujourd’hui ».

Observer, apprendre… et laisser faire la nature

Créer une mare, ce n’est pas juste un projet de bricolage : c’est une véritable aventure naturaliste à domicile. On y redécouvre :

  • le cycle des saisons, avec la glace en hiver, l’explosion de vie au printemps,
  • les métamorphoses (têtards devenant grenouilles, larves de libellules quittant l’eau),
  • les interactions discrètes entre prédateurs et proies,
  • la capacité incroyable de la nature à recoloniser un milieu neuf.

Et surtout, on apprend la patience. Une mare met souvent un à deux ans à vraiment trouver son équilibre. Le plus beau rôle du jardinier, ici, c’est d’observer, d’intervenir le moins possible… et d’accepter que ce petit coin d’eau vive sa propre vie.

Si vous hesitiez encore à vous lancer, dites-vous qu’une mare, même modeste, est l’un des plus beaux cadeaux que vous puissiez faire à votre jardin – et à toute la petite faune qui vous entoure. Une pelle, une bâche, quelques plantes bien choisies… et vous offrez un havre à la biodiversité, juste sous vos fenêtres.